In memoriam Edmond Secq

Nous avons appris le décès d’Edmond Secq le 24 avril 2017 (né en 1927), président d’honneur de l’Association de l’Hémophilie. Il fut pendant de longues décennies l’une des principales chevilles ouvrières de l’Association de l’Hémophilie en Belgique et du Consortium européen de l’Hémophilie. Son inlassable dévouement médico-social pour les patients hémophiles lui valut d’être décoré, lors du 50e anniversaire de l’Association en 2008, au titre de chevalier de l’Ordre de Léopold, le plus prestigieux de nos ordres nationaux.


20170424 Edmond-v1L’implication d’Edmond Secq dans le monde de l'hémophilie fut incroyablement dynamique, constante, constructive et originale. Pendant 40 ans, il fut le moteur de toutes les actions de l'Association de l'Hémophilie. Doué d'une plume parfaitement bilingue, il rédigea des centaines d'articles sur l’hémophilie, organisa des dizaines de réunions nationales toujours remarquablement charpentées autour d'exposés scientifiques, sociaux et agrémentées de visites touristiques et culturelles pour permettre aux patients de se rencontrer entre eux.


Il fut avec André Houssiau un catalyseur et un rassembleur notamment de tous les médecins qui s'occupaient de l'hémophilie, toutes universités confondues, conscients qu'ils étaient des enjeux parfois très graves qu'il fallait surmonter, comme la question des infections transfusionnelles dans les années '80 et qui les avaient tous deux profondément traumatisés. A cette époque, Edmond et André ont voulu donner à la vie associative autour de l'hémophilie une dimension beaucoup plus politique et on vit les deux amis sexagénaires se battre, corps et âmes, au côté de plus jeunes qu'eux, pour obtenir de nouveaux traitements avec tout ce que cela impliquait en terme de coûts et de remboursements de la sécurité sociale.


Edmond fut l'un des premiers à comprendre combien il est capital de sortir de l'isolement quand on est atteint d'une maladie chronique comme l'hémophilie. Il était convaincu qu'il fallait surtout briser les tabous, qui étaient encore très nombreux jusqu'il y a peu, particulièrement lorsqu'on parle d'une maladie congénitale, héréditaire, génétique, transmise par les femmes. Le problème de coagulation chez les femmes, notamment des patients atteintes de maladie de von Willebrand, était d'ailleurs aussi l'une de ses préoccupations.


À ce titre, Edmond fut le confident de beaucoup d'entre nous. Il avait conscience du secret médical. Mais il avait surtout cette capacité extraordinaire d'écouter avec une attention peu commune : il ne faisait pas semblant, il écoutait vraiment et il savait ponctuer tout simplement ses phrases par son légendaire "Wel Wel !", montrant qu'il était "avec", en empathie... sans autre artifice ou commentaire superfétatoire. Edmond a fait tant de bien par la profonde gentillesse et solidarité qui émanaient de son cœur.


Un autre domaine qui lui tenait particulièrement à cœur était celui de l’assurance-vie des patients hémophiles. De par sa profession dans l’actuariat, il avait pu lors de sa retraite dégager les bonnes pistes permettant d’assurer des patients hémophiles pour l’achat de biens immobiliers avec une assurance solde restant dû. Il a ouvert dans ce domaine une brèche, qui profite aujourd’hui, par extension, à bien d’autres patients atteints de maladies chroniques.


Du point de vue administratif, il était extrêmement organisé et systématique, ce qui est très précieux dans le monde associatif! Il a ainsi eu pendant plus de vingt ans la garde de la bourse et la géra de manière magistrale, permettant à l'Association de grandir, d'avoir des projets, d'éditer, d'organiser des stages pour enfants dans d'excellentes conditions. Nous avons ensemble pu réaliser, tant et tant, et nous étions forts car nous étions précédés et accompagnés par un sage ! Edmond était l'épine dorsale, mais qui pouvait aussi, et surtout, retrousser les manches à toute heure du jour et de la nuit.


C’est aussi Edmond qui a porté la voix de la Belgique à travers le monde entier lors des congrès internationaux de l'hémophilie. Ici encore, l'unanimité autour de sa personne en faisait l'homme sage que l'on consultait. Il fut à plusieurs reprises appelés à présider l'AG des 100 pays membres de la FMH pour l'élection du président dans des moments parfois extrêmement délicats, où les équilibrages diplomatiques étaient bien nécessaires!
Edmond créa également le Consortium européen de l'hémophilie dont il fut aussi administrateur très actif et pour lequel il fut longtemps le représentant auprès des institutions européennes. Aujourd'hui, ces deux ONG peuvent s'enorgueillir d'être reconnues internationalement.


La FMH organise des congrès de 5000 personnes et milite partout dans le monde pour améliorer le traitement. Le Consortium réunit tous les pays du Conseil de l'Europe, avec un bureau permanent auprès de la Commission européenne à Bruxelles. Dans tous ses contacts, Edmond faisait jouer l'un de ses grands talents: son multilinguisme. Edmond parlait couramment le néerlandais, le français, l'anglais, l'allemand, l'espagnol, l'italien et il était capable de baragouiner des mots en arabe ou en russe !


Edmond Secq était mû par une immense éthique. C'était un juste, honnête jusqu'à la moelle. Et quand on rencontrait Edmond, on dépassait l'hémophilie pour s'intéresser à la beauté de la vie. Il nous a appris par son humanisme à dépasser la petite hémophilie qui était en nous et à regarder par-delà... C'était un homme complet, de grande culture, qui s'intéressait aux sciences, à la littérature, à la musique, à la philosophie. Il nous laisse, ensemble avec sa chère épouse Gusta avec qui il partagea plus de soixante ans de vie commune, l’exemple d’une vie pleinement humaine, vraie, sincère, généreuse, aimante.

Jean Houssiau & Winand Eerens