K. Meijer, K. Bouman, K.M. Sollie, R.Y.J. Tamminga et J. van der Meer
Les porteuses d’hémophilie n'ont généralement pas de tendance spontanée à l'hémorragie ; toutefois, des saignements se produisent chez certaines d'entre elles en cas d'intervention chirurgicale et de traumatisme. Lors de l'accouchement, il faut tenir compte d'un éventuel risque accru de saignement chez la mère et de la possibilité qu'elle donne naissance à un fils hémophile.
Pour ces femmes, une bonne information, une concertation précoce et un test de coagulation sont importants.
L'hémophilie est une déficience héréditaire du facteur de coagulation VIII (hémophilie A) ou du facteur de coagulation IX (hémophilie B). La gravité de l'affection est déterminée par la quantité restante de facteur de coagulation. La maladie est héréditairement liée à l'X. Les filles de patients hémophiles sont toujours porteuses. Pour chaque grossesse, il y a une chance sur quatre d'avoir un fils hémophile, une fille porteuse, un fils non hémophile ou une fille non porteuse.
Le taux plasmatique de facteur VIII ou IX chez les porteuses d’hémophilie est généralement suffisant pour ne pas provoquer de saignement, mais la dispersion est grande, car chez les femmes un seul chromosome X est inactivé de manière aléatoire, et de ce fait l'inactivation du chromosome X avec et sans le gène de l'hémophilie est parfois déséquilibrée.
Il est courant de déterminer le taux plasmatique de facteur VIII ou IX chez toutes les porteuses obligatoires et potentielles. Sur la base du taux plasmatique de facteur VIII ou IX, on ne peut que se prononcer sur le risque de saignement. Il n'est pas toujours possible de se prononcer définitivement sur le statut de porteuse ; par contre, les tests ADN peuvent apporter une réponse définitive. L’intérêt principal de la réalisation de tests ADN sur les porteuses potentielles est qu'ils permettent de déterminer la probabilité d'une descendance atteinte d'hémophilie ou d’un statut de porteuse d’hémophilie.
Diagnostic prénatal.
En cas de souhait de grossesse, il est conseillé de discuter des différentes options.
Parfois, on peut opter pour une sélection d’embryon suite à un test génétique prénatal. Cela implique un traitement FIV (Fécondation In Vitro) / ICSI (Intra Cytoplasmic Sperm Injection) ; suite à un test génétique, on implante un embryon sans gène de l’hémophilie. Parce que l’évolution scientifique progresse rapidement à la fois en termes de traitement de l’hémophilie et de médecine de la reproduction, une conversation avec le médecin du centre d’hémophilie et le médecin du centre de médecine de la reproduction est recommandée pour avoir un aperçu de toutes les techniques et options possibles.
Il existe également plusieurs méthodes permettant de déterminer le sexe pendant la grossesse, et éventuellement de réaliser des tests ADN sur l'enfant à naître.
Cette procédure peut être réalisée au bout de 10-12 semaines d’aménorrhée ( l'absence de règles). Elle comporte un risque de fausse couche de 0,5 à 1,0 %. Si les taux propres de facteur VIII ou IX de la femme sont inférieurs à 50 % avant la réalisation de la biopsie des villosités choriales, une supplémentation en facteur VIII ou IX est nécessaire afin de prévenir les saignements. Suite à la détermination du sexe par analyse des villosités, un test ADN est effectué si le fœtus est de sexe masculin. A cet âge gestationnel, la femme peut encore choisir d'interrompre sa grossesse.
Si la porteuse indique à l'avance qu'elle n'interrompra pas la grossesse en cas de diagnostic d'hémophilie, elle peut choisir de faire déterminer le sexe par échographie au troisième trimestre. Si le fœtus est de sexe masculin, des risques d'hémorragie à l'accouchement doivent être pris en compte. À 34 semaines, une amniocentèse peut être effectuée sur un fœtus de sexe masculin. Cette procédure comporte un risque de complications de 0,3 à 0,5 %.
Il est également possible de déterminer le sexe du fœtus grâce à l'ADN fœtal circulant dans le sang maternel au cours du premier trimestre. Ensuite, une échographie doit être réalisée pour vérifier le sexe.
Politique en matière de naissance.
Si une porteuse potentielle ou obligatoire ne souhaite pas de test prénatal, il faut envisager la possibilité que l'enfant à naître soit également atteint d'hémophilie. La directive néerlandaise « Consensus sur l’hémophilie : traitement et responsabilité » (Consensus hemofilie: behandeling en verantwoordelijkheid) indique qu'il est recommandé aux porteuses d'hémophilie d'accoucher dans un centre aménagé pour le traitement de l'hémophilie et contient également des conseils relatifs à la substitution de facteurs.
Le taux de saignement post-partum (après l'accouchement) peut varier. Certains saignements se produisent immédiatement après l'accouchement, d'autres se déclenchent plus tard.
Mesures préventives pour la mère.
Chez la mère, les taux plasmatiques de facteur VIII et IX doivent être déterminés en fonction du type d'hémophilie. Le taux de facteur IX ne change pas, tandis qu’en général celui de facteur VIII augmente. Les taux sont mesurés au cours du premier et du troisième trimestre. Si les taux sont faibles, une supplémentation en facteur VIII ou IX est nécessaire en cas d’examen prénatal invasif. La politique relative à l'accouchement est déterminée par la valeur au troisième trimestre.
La détermination du facteur VIII ou IX en fin de grossesse doit également déterminer la politique lors du choix de l'anesthésie péridurale, ou de la substitution de facteur en cas d'épisiotomie, de rupture périnéale ou vaginale, de césarienne et d'extraction manuelle du placenta.
Mesures préventives pour l’enfant.
Les mesures préventives sont prises suivant que l’hémophilie ait ou non été exclue.
Si l'hémophilie ne peut être exclue, une vigilance accrue est nécessaire pendant le travail. S'il n'y a pas d'autres facteurs de complication, l'accouchement par voie basse est préférable. La césarienne est recommandée par une petite minorité. Les accouchements par ventouse, par forceps hauts et la surveillance invasive par électrodes crâniennes sont toutefois contre-indiqués en cas de risque d'hémophilie chez l'enfant à naître.
En termes pratiques, cela signifie que le seuil pour une césarienne primaire est plus bas, et qu'en cas de complications avérées pendant le travail le seuil de réalisation d’une césarienne secondaire doit également être bas.
Immédiatement après la naissance d'un garçon, une éprouvette de sang est prélevée afin de déterminer les taux plasmatiques de facteur VIII ou IX. On peut aussi effectuer des diagnostics sur le sang du cordon ombilical, mais le risque d'erreur est plus élevé. Dans le cas d'un travail prolongé ou difficile ou d'un accouchement artificiel, on administre du facteur VIII ou IX recombinant immédiatement après la naissance, suite à une prise de sang pour le dosage de ces facteurs, en visant un taux de 100 %.
La gestion de la grossesse et de l'accouchement nécessite une bonne collaboration entre le spécialiste de l'hémophilie, le gynécologue, le généticien clinique et le pédiatre.
L’association tient à remercier Mme Sarah De Witte pour la lecture de ce résumé.
Source : Ned. Tijdschr. Geneeskd. 2008 31 mei ;152(22)